Bon, y a que moi qui dépose mes récits de naissance ici, mais tant pis
Voici la naissance d'Anna (pour celles que ça intéresse ! ^^) :
Le jeudi 9 juillet, nous avons passé une après-midi au lac de Saint-Rémy sur Durolle, près de Thiers, avec ma belle-famille. Une après-midi superbe et très agréable, mais aussi particulièrement éprouvante lorsqu'on arrive au terme de sa grossesse. Je me doutais que cette sortie risquait de provoquer un peu les choses, mais en rentrant le soir, j'étais tellement épuisée que je ne fus pas surprise de ne pas avoir la moindre contraction. Je n'aurais de toute façon pas eu la force d'accoucher !
Pourtant, toute la nuit, je fus réveillée quatre ou cinq fois par des contractions douloureuses. Au petit matin, j'étais fatiguée et un peu nerveuse. Nous devions reprendre la voiture et nous faire plus de 100km pour aller déposer nos garçons chez leurs grands-parents et là, franchement, je ne me sentais pas du tout de les faire. Je sentais que les contractions étaient trop fortes pour que je puisse les gérer chez mes beaux-parents, sans parler du trajet et de la fatigue. J'ai dit à mon mari d'y aller tout seul et d'emmener les enfants. Avec le recul, je me dis que pour que je lui demande d'emmener aussi Chloé, c'est que j'étais déjà en travail ! D'ordinaire, je ne me sépare de Chloé que si vraiment je n'ai pas le choix !!
Il a donc fait l'aller-retour. Pendant ce temps, j'ai pris une douche et me suis reposée. J'ai dormi un peu, même si je continuais d'avoir une contraction tous les quarts d'heure. Parfois, elles s'espaçaient de 20 minutes, voire même une demi-heure ! C'était loin, très loin d'être des contractions régulières et rapprochées comme on pourrait s'y attendre lorsqu'on est en travail ! En revanche, elles étaient suffisamment douloureuses pour me demander une certaine concentration lorsqu'elles survenaient.
Quand Eric fut rentré, nous avons mangé, puis l'après-midi s'est déroulé avec une lenteur incroyable. Je tournais en rond comme une lionne en cage, je n'arrivais à me concentrer sur rien du tout. Chloé n'ayant pas fait de sieste, elle devenait intenable et la fin de journée fut particulièrement éprouvante. Vers 18h, Chloé s'est endormie devant un dessin animé sur le canapé. Même si ça m'embêtait qu'elle se soit endormie si tôt et surtout de cette manière-là, je me suis sentie vraiment soulagée. Gérer un petit enfant quand on a des contractions, c'est vraiment pas le top ! Je me suis décidée à prendre un bain, car les douleurs étaient vraiment trop pénibles et anarchiques. J'espérais tout arrêter...
Dans le bain, les contractions allaient et venaient toujours plus ou moins au même rythme. Au bout d'une demi-heure, ma mère m'a appelée ! Elle voulait le faire depuis plusieurs jours et la providence a voulu que ce fût ce jour-là ! Nous avons passé une heure à discuter au téléphone. Mes contractions allaient et venaient mais je parvenais à les lui "dissimuler". Sauf la dernière, pour laquelle j'ai dû lui expliquer que depuis ce matin, je faisais du "faux travail". Car oui, j'étais persuadée que ces contractions n'étaient pas du tout du travail ! Je finis par raccrocher et par sortir du bain. Les choses ne se sont pas arrêtées, mais pas lancées non-plus, mais sans que je sache pourquoi, j'ai un regain d'énergie et d'optimisme en sortant du bain. Eric a couché Chloé qui dort comme une souche, je me sens bien et je me dis que ce n'est pas pour aujourd'hui car sinon, le bain aurait forcément accélérer les choses.
Mais voilà que j'ai toujours des problèmes pour me concentrer sur quelque chose... Que ce soit mon pc, un bouquin, un film, rien n'y fait, j'ai besoin de bouger, j'ai besoin de... de quoi ? Je l'ignore, mais je ne me sens pas bien. Je me sens "fébrile". Les contractions reviennent. Plus fortes. Et plus rapprochées... L'espace reste quand même de dix minutes... Pour moi, c'est encore beaucoup trop. Et puis, elles me paraissent tellement courtes. Et puis, j'attends quelque chose. Je ne sais pas trop quoi. Un "signe" qui me dirait que ça bouge vraiment. J'étais tellement persuadée que mon col saignerait lorsqu'il se modifierait !! Et là, rien ! Pas de bouchon muqueux, pas de saignements, pas de perte des eaux, rien du tout si ce n'est des contractions fichtrement anarchiques ! Pourtant, rapidement, je sens qu'elles se rapprochent, qu'elles deviennent "sérieuses". Je commence à devoir émettre des sons lorsqu'elles surviennent. Il est tard... environ 1h du matin. Eric est fatigué, il somnole sur le canapé. Je finis par le réveiller et lui demande d'aller me refaire couler un bain. Je sens que ça commence à devenir sérieux.
Dans le bain, les choses se compliquent. Loin de me soulager, cela me fait plutôt un effet d'étouffement et chaque contraction est plus dure à gérer que la précédente. Je vocalise beaucoup mais le fait d'être confinée dans la baignoire m'est désagréable : je ne peux pas bouger comme je le veux. Très rapidement, je sors. De toute façon, Chloé s'est réveillée à cause de mes vocalises. Eric va la lever et je ressens soudain mon petit coup de blues que j'ai ressenti à chacun de mes accouchements. Je me mets à pleurer. J'en déduis que je dois non seulement bel et bien être en travail, mais qu'en plus, je dois en être arrivée aux alentours de 5/7cm de dilatation. Je dis à Eric de tout préparer, que nous allons aller à la maternité. Soudain, il m'apparaît primordial que nous y allions.
Eric prépare Chloé, j'enfile un bas de pyjama, car être serrée m'insupporte, et un haut de grossesse et je descends. Dans le salon, je ne supporte les contractions que debout, parfois même en marchant ! C'est curieux comme sensation. Je continue de vocaliser. Chloé me regarde surprise, mais pas apeurée. Elle demande à son papa : "maman, aïe aïe aïe ?" et papa lui répond que maman chante parce que le bébé va bientôt arriver. Chloé est rassurée ! Et il faut reconnaître, grâce aux techniques du chant prénatal que j'ai réutilisées, je ne cris absolument pas, je vocalise sur la contraction. Nous appelons à droite à gauche les voisins et amis qui s'étaient proposés pour garder la petite... mais personne ne répond ! Au bout d'un moment, je dis à Eric qu'il est temps d'y aller et que tant pis pour la garde de la petite, on part avec elle. Il me demande si nous n'appelons pas Cindy, j'hésite un instant, mais je ressens comme un urgence à partir. Je laisse tomber, en me disant que je pourrais toujours l'appeler depuis la maternité.
Dans la voiture, je continue de "chanter". Parfois, Chloé, depuis son siège-auto, me dit "chhhuuut maman" tout doucement. Elle n'est pas inquiète le moins du monde et entre les contractions, je tiens à la rassurer. Je lui explique à mon tour que le bébé est en route pour sortir de maman. Nous prenons la décision d'aller à la maternité d'Issoire. La voiture est trop douloureux pour moi et le sentiment d'urgence qui m'a étreinte à la maison ne m'a pas quittée. Je sens bien que l'espacement entre deux contractions se réduit à peau de chagrin. D'ailleurs, alors que nous sommes en vu du centre hospitalier, je ressens un furieux besoin de pousser.
Nous arrivons à la maternité, je me précipite presque dans l'hôpital. Ce doit être amusant de me voir à ce moment là car je cours à moitié, paniquée à l'idée de me mettre à vocaliser au milieu du hall et en même temps, le bébé est tellement bas que je ne peux pas marcher normalement. Nous prenons l'ascenseur, moment le plus compliqué pour moi car je ne peux plus bouger, puis, enfin, nous arrivons dans la section maternité. Nous sommes accueillis par une sage-femme. Je laisse passer une contraction sans trop vocaliser pour une fois, puis nous nous dirigeons vers la salle d'examen. Je demande à la sage-femme si je peux être examinée debout ou assise au moins. Non. Allongée. Aïe !! La catastrophe si une contraction se pointe !! Je la préviens que si je sens qu'une contraction arrive, je me relèverais aussi sec. Ok. Je m'allonge et, miracle de l'adrénaline, je n'ai pas de contraction durant l'examen... Elle m'examine pourtant longuement. "Je sens les eaux... je sens beaucoup d'eaux... la poche est bien bombée... Mais le col... Ah si ! Il reste peut-être un bord de col... Bon, on va juste écouter ce bébé deux secondes et on passe en salle d'accouchement !" Eric, derrière, a Chloé dans les bras et fait une drôle de tête. Je crois qu'il ne réalise que maintenant que nous sommes très proches de la naissance. Alors que moi, je pense que je le savais depuis que j'ai lâché mes larmes dans ma chambre, depuis que je ne supporte plus les contractions que debout... Je me rassois, elle pose juste son capteur de monitoring sur mon ventre et capte tout de suite un petit cœur qui bat très bien. "Ok, c'est bon, en salle !"
Zou ! Je fais la connaissance d'une seconde sage-femme. Elle est gentille, elle a un beau sourire. Je me sens tout de suite bien avec elle. Et je remercie la providence de ne pas être tombée sur une mégère ! Une contraction arrive, je m'appuie de toutes mes forces sur le lit, je suis toujours debout et je me remets à chanter. Des "aaaaah" et des "ooooh" très graves que j'essaie de pousser vers le bas. Mon bébé n'est pas loin, je le sens. La sage-femme me complimente. Elle me dit que je gère super bien et me demande si j'ai fait du chant prénatal. Elle a l'air conquise par mes chants. C'est sans doute pour cette raison que je n'ai pas mal vécu mes "cris" cette fois-ci, contrairement à mon accouchement à domicile. Je voyais bien sur les visages qui m'entouraient que mes vocalises ne les dérangeaient pas. Je laisse passer plusieurs contractions debout pendant qu'elles se préparent. Il y en a une qui me pose le monito, juste pour percevoir les battements cardiaques du bébé, elle laisse tomber le capteur des contractions. Je leur dis que le bébé va très bien. Il bouge entre les contractions !! Et en effet, son petit cœur va très bien. La sage-femme m'annonce qu'elle doit me poser une perf. J'accepte à condition qu'elles me disent exactement ce qu'elles mettent dedans au moment où elles le mettent. D'ailleurs, lorsqu'elle demande à sa collègue de sortir le synto, je freine des quatre fers ! "Vous n'avez pas intérêt à m'en mettre !" que je hurle ! Les sages-femmes ont l'air totalement prises au dépourvu. L'une d'elle me dit que ce n'est que pour la délivrance, qu'elles ne m'en mettront pas tout de suite. Je finis par accepter mais seulement après la sortie du bébé. Elle accepte et pose la dose préparée bien en vue.
On commence à me dire qu'il faudrait que je monte sur la table d'accouchement. "Vous ne pouvez pas accoucher debout", me dit-on. "L'accouchement, c'est sur la table. À quatre pattes, à genoux, en suspension, assise... comme vous voulez, mais sur la table !" Bon. De toute façon, debout, je m'épuise car j'ai besoin de repos physique entre les contractions. Je monte sur la table et je demande à être assise. Je me souviens que pour la naissance de Marie, je n'avais supporté les contractions qu'assise. Sauf que non ! Là, ça ne marche pas du tout ! Assise, j'ai vraiment trop mal et ça devient très vite insupportable. Le bébé me laboure les reins ! La sage-femme me propose de percer la poche des eaux. Je refuse, arguant que tant que le bébé va bien, je ne vois aucune raison d'intervenir. Si la poche ne s'est pas rompue, c'est qu'il y a sans doute une bonne raison. Elle me propose alors de me retourner pour me mettre à genoux, appuyée contre le dossier de la table d'accouchement. Je le fais. Je garde en tête qu'il faut se mobiliser au maximum et que rester dans une position qui n'est pas confortable ne pourra pas m'aider à sortir ce bébé. Là, je supporte les contractions en mordant le matelas !! Je vocalise toujours néanmoins mais je ne parviens plus à diriger vers le bas, vers les sons graves. La sage-femme me dit que je serre les jambes ! Elle me dit que je retiens ce bébé. Alors, je lâche tout. Je lui explique que je ne me sens pas en besoin de maternité. Qu'à la maison, j'ai déjà deux grands garçons dont un qui entre au collège, une petite fille de deux ans et demi qui m'accapare beaucoup... je crains de ne pas avoir de temps pour ce bébé-là. Ce bébé-là n'était pas désiré, ce bébé-là n'était pas attendu, ce bébé-là est un accident. Et je ne suis pas sûre d'être prête à l'avoir... Elle m'écoute attentivement, acquiesce dans un sourire. Puis soudain, une contraction un peu plus forte que les autres vient rompre la poche des eaux. "Et bah voilà !" me dit-elle.
Je me retourne car cette position est devenue très inconfortable. Je suis assise, appuyée contre les étriers et la sage-femme installe une barre au-dessus de moi pour que je puisse m'y suspendre. Ce truc est génial ! Sans ça, je n'aurais jamais réussi à accoucher ! À la contraction suivante, je me tends de tout mon corps et je mords la barre ! Mais c'est fou ce besoin de mordre !! C'est la première fois que je l'expérimente et c'est incroyablement violent ! Je sens le bébé qui descend. Ça aussi, c'est violent ! Il est gros. Depuis le début, je le sens un peu gros pour passer. Depuis quelques temps, je suis un peu angoissée à l'idée qu'il soit vraiment trop gros. Je ne cesse de me répéter qu'on ne fabrique pas, spontanément, des bébés qui ne passent pas. Et comme je n'ai pas diabète ou autre pathologie, pas de raison que ce bébé ne passe pas. Mais quand même, j'ai cette fichue intuition... "Vous voulez que votre mari soit présent ?" me demande la sage-femme. J'acquiesce vivement. Une aide-soignante gardera Chloé juste le temps de l'expulsion et voilà Eric qui débarque ! Je me tourne vers lui et je lui dis que je n'y arriverai jamais ! Il me réconforte. "Mais si ! Comme à chaque fois !" C'est vrai ça ! Ce n'est pas le premier bébé que je mets au monde, bon sang ! Et pourtant !
La tête est aux portes de la vie. Je la sens. Elle est énorme ! Je pousse bien malgré moi sur chaque contraction. Je m'accroche à la barre, je m'appuie sur les étriers et je pousse en suspension. Qu'est-ce que c'est "violent". Qu'est-ce que c'est puissant !! La tête sort, sort... progressivement. Ça brûle, c'est extrêmement douloureux. Au bout d'un moment, je lâche la barre et je mets ma main contre la tête de mon bébé. Ça fait tellement mal que je me mets à crier qu'il faut qu'elle re-rentre !! Avec le recul, je me dis que ces mots ont été une façon d'extérioriser ce que j'avais déjà un peu exprimé plus tôt : je ne me sentais pas prête à ce que ce bébé naisse. Enfin, la tête finit par sortir. Là, je retrouve un regain d'énergie. Je sais qu'il ne reste plus que les épaules et ensuite, ce sera terminé. Je le sais et pourtant... je n'ai plus de contraction. Je dis à la sage-femme que je ne peux plus pousser, que je n'ai plus de contraction. Elle me dit que c'est normal, mais moi, je ne trouve pas ça normal. Je suis écartelée, je suis vraiment très mal dans cette position ! Ce n'est pas possible que ce soit "normal". Une contraction revient, mais les épaules ne sortent pas. La sage-femme s'affole un peu car le bébé est coincé et souffre. Il faut que j'arrête de me tendre comme je le fais apparemment, Eric aide la sage-femme à redresser mes genoux pour permettre aux épaules de se dégager. Et enfin, tout d'un coup, le bébé est sorti !
Il est tout plein de sang. La première chose que je pense c'est que la sage-femme m'a fait une épisio pour le passage des épaules. Je le lui dis d'ailleurs ! Elle me rétorque que non, non, elle ne m'a pas fait d'épisio ! Mais j'ai sans doute un peu déchiré. Le bébé fait son méconium par terre, alors qu'il est à peine sorti. Outch... petit coup de stress pour le passage des épaules, mon pauvre petit cœur... Je le prends sur moi. Il a du mal à respirer, il est plein de glaires. Mais il est d'une belle couleur, alors je ne m'inquiète pas. La première chose que je lui dis : "pardonne-moi !" J'ai eu conscience d'avoir eu du mal à le mettre au monde dans ma tête autant que dans mon corps. Puis, avec Eric, nous regardons entre ses jambes... une fille !! Je le savais ! J'en étais certaine !! Eric sourit : "Ça tombe bien, on était d'accord sur le prénom de fille ! Bienvenue Anna !"
Au final, si sur le moment, l'expulsion a été très violente, j'en garde aujourd'hui un merveilleux souvenir de puissance absolue. Incroyable cette sensation de puissance ! Alors que pour Marie, née à la maison, j'avais été très passive durant toute la naissance, pour Anna, j'ai maîtrisé mes cris en les transformant en vocalises, j'ai maîtrisé mon travail en m'obligeant à me mobiliser, et j'ai eu la sensation, vraiment, de donner naissance à mon bébé avec toute ma force de femme. Une force dont je ne soupçonnais même pas l'existence ! Je pense que j'ai vécu une phase de désespérance un peu longue et sans doute un peu violente. C'est finalement la seule chose qui m'est restée comme un "mauvais souvenir". Ce moment de panique juste avant la sortie du bébé, ce moment où je me suis dit "je n'y arriverai pas" !
Anna pesait 3kg580 pour 48cm et 35cm de périmètre crânien ! Ça paraît bête, mais je n'avais jamais mis au monde de bébé avec plus de 33cm de périmètre crânien jusqu'ici... et ces 2 petits centimètres supplémentaires ont fait une sacrée différence !
Aujourd'hui, je suis super fière, super heureuse de cette naissance. J'aime à croire que cette puissance restera gravée en moi. J'ai réussi ma voie basse après césarienne, j'ai réussi à le faire sans péridurale, comme je le souhaitais. J'ai envie de dire, en toute simplicité : j'ai réussi à la mettre au monde. Je me suis guérie.
Bienvenue Anna...