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Le top 10 des clichés entendus sur mon adoption
Marjorie on nov 12, 2014
Pour la petite histoire, je suis née quelque part en Corée du Sud. J’ai vécu mes trois premiers mois là-bas, ballottée de famille d’accueil en famille d’accueil. Arrivée en France en septembre 1992, j’ai été adoptée par des parents français d’origine polonaise. J’ai vécu une enfance plutôt normale et je vis désormais la vie tout aussi normale d’une « adulescente » de 22 ans. Bref, j’ai plutôt bien vécu l’adoption, l’abandon et tous ces conflits d’identité dont sont victimes certains adoptés. Ma vie est en France, mes parents sont français et j’adore les macarons. Je chante la Marseillaise sous la douche et, l’hiver, je râle comme une bonne Française. La plupart des gens comprennent ça. Mais pour certains… l’adoption reste un mystère.
« Mais, en fait, tu les vois encore tes VRAIS parents? »
Faute d’ouverture d’esprit ou simplement parce qu’ils sont cons (il faut le dire quand c’est nécessaire…), ils se permettent parfois de sortir des inepties plus grosses qu’eux ou, animés par une curiosité malsaine, ils posent parfois des questions que toi-même… tu ne comprends pas.
Me voilà donc aujourd’hui à vous rédiger mon top 10 de ce que l’on a déjà pu me sortir à moi ou à mes parents à propos de mon adoption ou de l’adoption en général.
1) « Mais, en fait, tu les vois encore tes VRAIS parents ? » Sincèrement, arrêtez avec cette question. Je ne comprends pas le sens que vous voulez lui donner. Déjà, qu’est-ce qu’un VRAI parent ? Celui qui vous donne la vie et qui vous abandonne après ? Ou celui qui vous élève et fait de vous ce que vous êtes aujourd’hui ? Voilà, on est d’accord. Ensuite, stoppez avec vos questions de savoir si oui ou non je connais mes parents biologiques ou pas. Non, je ne les connais pas, et je ne veux pas les connaître. Je pense que ma vie est déjà assez compliquée comme ça pour que je m’ajoute des soucis volontairement.
2) « Tes parents doivent être riches pour avoir deux enfants adoptés! » Ouais, ils sont très riches, même que sur le catalogue des bébés en vente on était plusieurs candidats à vouloir être achetés par mes parents, mais ils nous ont choisi nous parce qu’on est trop beaux.
3) « Ah bah ça va ! Tu parles bien français quand même ! » Je suis désespérée.
4) (À ma mère) « Ah, elle est belle hein… Mais un peu foncée, vous ne pouvez pas l’échanger contre une autre un peu plus claire ? » Bah, c’est-à-dire qu’ils n’avaient plus en stock le coloris de bébé que mes parents voulaient, alors ils ont du se rabattre sur moi, la foncée.
5) « Et ça va, tu les aimes bien tes parents ? » Bof, ça dépend s’ils m’achètent des fringues de marque et la PS4 ou pas. Sérieusement, parfois je suis quand même un peu envahie par une vague de désespoir lorsque j’entends ça.
6) (À mes parents) « C’est un beau geste que vous avez fait là ! » Petit rappel : l’adoption est un lien de filiation comme un autre. En aucun cas, cela ne doit être vu comme un geste humanitaire… Si mes parents voulaient contribuer à ralentir la faim dans le monde ou financer la distribution de vaccin en Afrique centrale, ils auraient fait un chèque à une ONG.
7) « Ouais mais toi, tes parents, ils sont obligés d’être plus gentils qu’avec des enfants normaux. » C’est clair, au lieu de me donner des roustes de la mort quand j’avais fait une connerie, j’avais le droit à des gentilles claques aller-retour avec des fleurs et des paillettes. Et même qu’ils ne me disputaient pas vraiment, ils faisaient ça en chanson, comme dans une comédie musicale.
(À mes parents) « Faudrait que plus de gens fassent comme vous, on est déjà trop d’habitants sur Terre, pourquoi faire des enfants ? » Cet étrange moment où tu as l’impression que l’écolo en face de toi te voit simplement comme un déchet recyclé… J’espère quand même être une jolie canette plutôt qu’une grosse boîte de flageolets.
9) (À mes parents) « Pfff, le trafic d’enfants !!!!!! » Mon père est moustachu, mais ce n’est pas pour autant qu’il dirige la mafia portugaise, arrêtez les gars.
10) « Moi j’pense que je ne pourrais pas adopter des enfants, j’aurais toujours le sentiment que ce ne sont pas les miens. » Ah bah c’est sûr que si la filiation pour certaines personnes ne se résume qu’à des gènes et à du sang, ça va être compliqué. Tu m’étonnes qu’après on parle de la consanguinité comme d’un nouveau fléau.
Juste des héros du quotidien, et ça, c’est déjà énorme
Le pire dans tout cela, c’est que la liste ne s’arrête pas à 10. J’en ai tellement entendu… et mes parents encore plus. Il serait temps que les mentalités évoluent un peu, que l’ouverture des gens ne soit pas en option et que, peut-être, les gens réfléchissent avant de parler.
Je remercie quand même toutes ces personnes indélicates ou au cerveau aussi développé que celui d’un poisson rouge de m’avoir aidée à rédiger cet article. En passant, j’embrasse bien tendrement aussi toutes ces personnes qui ont pu me blesser durant mon enfance (et encore aujourd’hui) grâce à leur intolérance sans fin et à leur intelligence très limitée. Merci d’avoir fait de moi quelqu’un de plus fort et d’avoir contribué au sens de la répartie dont je peux faire preuve aujourd’hui.
Enfin, et même si je sais qu’ils ne liront sûrement jamais cet article, une grosse pensée à mes seuls et uniques parents, ceux qui m’ont élevée et qui me supporte encore aujourd’hui. Papa et Maman, merci d’avoir fait de moi ce que je suis aujourd’hui. De m’avoir inculqué des valeurs. Merci de me supporter encore quand je suis chiante, quand je dis que vous ne m’aimez pas et même si je ne sais toujours pas garder une chambre ordonnée à 20 ans passés ; quand je vous dis que j’ai envie de vomir lorsque je mange des oranges et que j’ai mal à la tête en me touchant le ventre. Pour toutes ces petites choses du quotidien et pour les gros tracas de la vie que vous m’avez aidée à traverser avec brio. Merci aussi d’avoir été là à des périodes où je pensais que plus personne ne le serait. Bref… j’arrête là parce que, Maman, t’es en train de me crier dessus en polonais pour que j’aille mettre la table.
N’oubliez jamais de rester fiers de ce que vous êtes, de ce que vous avez traversé et de ce que vous deviendrez. Vous n’êtes peut-être pas des super-héros, mais juste des héros du quotidien, et ça, c’est déjà énorme.
Marjorie, 22 ans, étudiante